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Cinq choses à savoir sur les pratiques qui nuisent aux filles

Cinq choses à savoir sur les pratiques qui nuisent aux filles

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Cinq choses à savoir sur les pratiques qui nuisent aux filles

calendar_today 30 Juin 2020

NATIONS UNIES, New York– Chaque jour, des centaines de milliers de filles à travers le monde subissent des préjudices physiques ou psychologiques – ou les deux. Leur famille, leurs ami·e·s et leur communauté le savent et y consentent. Sans l’adoption de mesures d’urgence, il est probable que la situation ne fasse qu’empirer.

Telles sont les conclusions du rapport sur l'État de la population mondiale 2020 de l’UNFPA, publié aujourd’hui. Ce rapport examine l’origine et l’étendue des pratiques néfastes dans le monde, ainsi que les actions à mettre en œuvre pour les éliminer.

Il identifie 19 pratiques néfastes constituant des violations des droits de la personne, depuis le repassage des seins jusqu’aux tests de virginité. Il se concentre plus particulièrement sur trois de ces pratiques, dont l’application est répandue et persistante, malgré leur condamnation presque universelle : les mutilations génitales féminines (MGF), le mariage d’enfants et la préférence pour les fils.

Nous exposons ci-dessous cinq leçons à tirer du rapport, qui sont à la fois inattendues et fondamentales.

1. Les personnes qui font subir ces pratiques à leurs filles sont souvent bien intentionnées.

Le mariage d’enfants, les MGF et la préférence pour les fils (qui peut s’exprimer par une sélection pré ou postnatale en fonction du sexe, sur la base de préjugés) sont profondément et durablement néfastes. Elles peuvent même provoquer la mort.

Ces pratiques ne sont pourtant généralement pas destinées à nuire. Elles sont plutôt perçues comme étant dans l’intérêt de la famille ou de celui de la fille elle-même. 

Le mariage d’enfants peut viser à assurer l’avenir de la jeune fille en en faisant la responsabilité de sa belle-famille. Il est parfois vu comme une manière de la protéger de la violence sexuelle ou comme un moyen de préserver sa réputation si elle tombe enceinte. Les MGF sont souvent pratiquées pour assurer l’acceptation de la jeune fille par son futur mari ou même par la communauté. Les familles peuvent choisir d’avoir des garçons plutôt que des filles si elles font partie de communautés où les garçons sont chargés une fois adultes de s’occuper de leurs parents lorsqu’ils vieillissent, ou de perpétuer le patronyme.

« Ces bonnes intentions n’ont cependant aucune valeur pour la jeune fille qui devra abandonner sa scolarité et ses ami·e·s pour être mariée de force, ou pour celle qui connaîtra toute sa vie des problèmes de santé à cause des mutilations subies en guise de rite de passage », déclare le Dr Natalia Kanem, directrice de l’UNFPA, dans sa préface du rapport.

2. Les pratiques néfastes trouvent leur origine dans l’inégalité des genres et ont pour but de contrôler le corps des filles, leur sexualité et leur désir.

Les pratiques néfastes sont bien souvent des moyens de contrôle de la sexualité et de la fécondité des femmes.

Dans de nombreuses régions, les MGF reposent sur la conviction erronée qu’elles inhibent la sexualité des femmes, préviennent l’infidélité ou augmentent le plaisir sexuel chez l’homme. Bien qu’elles soient parfois considérées comme une obligation religieuse, ce discours « vise à masquer le cœur du problème, qui est en fait la volonté de contrôle sur la sexualité des femmes », explique le Dr Hania Sholkamy, anthropologue au Centre de recherches sociales de l’université américaine du Caire, interrogée dans le cadre du rapport. 

Le mariage d’enfants, lui aussi, est souvent motivé par le désir de préserver la virginité de la jeune fille pour son mari. La préférence pour les fils, lorsqu’elle se manifeste par la sélection prénatale en fonction du sexe, contrôle également la fécondité des femmes en imposant à ces dernières les préférences de la société et de la famille.

3. Les pratiques néfastes sont très répandues et transcendent les pays, les cultures, les religions, les appartenances ethniques et les niveaux socioéconomiques.

Le mariage d’enfants, les MGF et la préférence pour les fils sont pratiquées partout dans le monde. Le rapport présente par exemple des données sur le mariage d’enfants aux États-Unis, sur les MGF en Colombie, en Indonésie et en Tanzanie, et sur la préférence pour les fils en Azerbaïdjan et en Inde.

De façon générale, le nombre de filles et de femmes affectées par ces pratiques est vertigineux, et dans certains cas, il est même en augmentation. Cette année, 4,1 millions de filles risquent de subir des MGF. Un mariage sur cinq est aujourd’hui celui d’une épouse enfant. La préférence pour les fils a provoqué un déficit de près de 140 millions de femmes.

Bien que les efforts pour mettre fin à ces pratiques néfastes donnent des résultats, on estime que le nombre de filles qui subissent le mariage d’enfants et les MGF augmente de façon générale, à cause de l’augmentation de la population dans les pays où la prévalence de ces pratiques est très forte.

4. Il est probable que la pandémie de COVID-19 aggrave le mariage d’enfants et les MGF

La pandémie a un impact terrible sur la vie des filles et de leur famille, depuis les difficultés économiques et la fermeture des écoles jusqu’à la privation d’accès aux services de santé et aux programmes communautaires.

On dispose de peu de données fiables sur l’effet de la pandémie sur l’exercice des pratiques néfastes, mais une analyse conjointe de l’UNFPA, d’Avenir Health et des universités Johns Hopkins (États-Unis) et Victoria (Australie) prévoit une augmentation significative des MGF et du mariage d’enfants. Si la pandémie retarde de deux ans les programmes de prévention des mutilations génitales féminines, l’étude estime que 2 millions de mutilations auront lieu au cours des dix prochaines années – des mutilations qui, sans ce retard, auraient pu être évitées. Un retard d’un an dans les programmes visant à éliminer le mariage des enfants, associé au ralentissement économique provoqué par la pandémie, pourrait avoir pour conséquence 13 millions de mariages supplémentaires au cours de la prochaine décennie, selon les chercheurs et chercheuses. 

L’UNFPA constate également des indications préliminaires de l’augmentation des MGF et du mariage d’enfants, en tout cas dans certaines régions.

En République démocratique du Congo, les expert·e·s ont noté une augmentation significative du mariage d’enfants dans les régions du Kasaï et du Kasaï-Central ; les ONG locales procèdent actuellement à une évaluation de l’influence de la pandémie sur cette tendance. En Tanzanie, deux des partenaires de l’UNFPA ont dit avoir constaté un grand nombre de MGF, bien que la « saison de l’excision » ne commence habituellement pas avant le mois de décembre.

5. Nous savons comment mettre fin à ces pratiques néfastes, et nous devons agir immédiatement.

Malgré ces difficultés, le monde montre des signes encourageants, des initiatives qui prouvent qu’il est possible de mettre fin aux pratiques néfastes.

L’expérience de pays comme la République de Corée montre que l’amélioration du statut des femmes et des filles, l’adoption de politiques dédiées et d’autres changements peuvent éliminer la préférence pour les fils. Certains pays tels que Trinité-et-Tobago ont récemment réussi à adopter des restrictions législatives sur le mariage d’enfants. 

Des solutions durables exigeront cependant le changement des normes sociales fondées sur l’inégalité des genres.

L’UNFPA a publié un document pour aider les organisations et les communautés à changer ces normes à grande échelle.

« Au-delà d’informer et de créer des espaces de discussion, il faut également, au niveau collectif, se mettre explicitement d’accord sur l’amélioration de la santé et du bien-être des filles et des communautés, ce qui permettra d’appuyer le mouvement visant à éliminer les normes discriminatoires et néfastes », précise Nafissatou Diop, une experte des pratiques néfastes et spécialiste culturelle qui travaille avec l’UNFPA. « Le contexte a une importance capitale. Il n’existe pas d’approche universelle. ».

Il est aujourd’hui temps de provoquer ces changements, à un moment où le monde subit des changements drastiques avec la pandémie et ses retombées sociales et économiques, ajoute Mme Diop.

« Nous voyons bien à quel point les comportements individuels peuvent faire la différence », explique-t-elle. « Nous voyons émerger des personnes qui ont de l’influence, qui ne sont pas seulement des leaders politiques ou des figures éminentes de leur communauté. Non seulement cela nous donne de l’espoir, mais cela prouve que les décisions collectives pour changer les comportements peuvent rapidement transformer les normes sociales. »